Les stratégies et les codes de la propagande

J'ai déjà parlé des liens entre l'art et la propagande. J'en reparle encore ici, car dans le domaine des images médiatiques, cela m'apparaît être un sujet de première importance.
D'entrée de jeu, qu'une chose soit bien entendue: il ne s'agit pas ici de faire de la critique politique et d'engager un débat idéologique. J'en appelle à l'objectivité de la recherche historique afin de juger de ces images qui font, de fait, partie de la grande Histoire de l'humanité. Des artistes établis s'en inspirent, parfois justement pour nous prévenir de la force des images.

Mais je ne cache pas non plus mon intention de mettre en lumière les machinations des gens au pouvoir visant à influencer l'opinion des masses. La méconnaissance de l'histoire porte certaines personnes à minimiser la portée de ces images qui ont aiguillé des nations entières, qui ont aidé à maintenir des régimes totalitaires, et ont précipité très souvent des peuples vers la guerre.

Les codes utilisés en propagande et en publicité sont insidieux. On subit leur influence et on les manipule parfois sans le savoir. Pour ceux qui doutent de la mauvaise foi des gouvernements, sachez que la manipulation et le mensonge fait malheureusement partie de l'histoire de tous les peuples de la terre. Il ne s'agit pas ici de tomber dans la théorie du complot, mais de s'en tenir aux faits. Depuis l'invention de l'imprimerie et surtout, de la photographie, nous avons de nombreux documents qui en témoignent.
Bien avant photoshop, le régime soviétique de Staline modifiait des photographies avec une grande efficacité.

Le même gouvernement (qui prône la révolution afin de renverser le tsar) change l'écriteau
d'un magasin affichant: "Montres, Or, Argent" en "En combattant vous gagnerez vos droits",
tandis que le drapeau noir devient : "à bas la Monarchie".
Au cours de l'histoire, les techniques iconographiques se sont raffinées et peu d'hommes de pouvoir ont résisté à l'envie d'en faire usage pour manipuler l'opinion publique. Les nazis ont largement exploité la caricature et la manipulation d'opinion afin de faire passer leurs idées. L'effet pervers de la propagande vient du fait que très souvent, on joue sur les bons sentiments du public visé. Par exemple, pour faire passer leurs idées racistes, les nazis ont d'abord fait valoir l'importance d'avoir une nation en santé et économiquement viable. Ce louable souhait leur donnait l'occasion de souligner que les malades, les infirmes et les vieux coûtent très cher à l'état. Et ce constat a permis les dérives que l'on connait... 
"C'est aussi votre argent" proclame cette affiche de propagande
du parti nazi, qui indique combien il en coûte pour faire vivre
un citoyen "génétiquement malade".
La représentation littérale du poids que doit supporter
"un bon citoyen sans tares génétiques", selon le parti nazi.
On pourrait parler longuement du symbolisme caricatural utilisé en propagande, mais je préfère me concentrer ici sur les aspects rattachés aux arts plastiques. Du point de vue du langage plastique, on peut remarquer que les images de la propagande utilisent presque toujours les éléments suivants:


Un slogan simple pour une idée toujours simpliste
Il est toujours court, et le lettrage dégage une impression de force. La calligraphie de l'affiche de propagande doit dégager autant de force que le message qu'elle veut transmettre.

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"Nous voulons la paix!" dit cette affiche soviétique de 1946. L'ouvrier soviétique en salopette de travail, beau mais grave, tient un drapeau rouge, symbole du communisme, où est inscrit le slogan. Son poing s'abat sur une table où des leaders du camp occidental dessinés de façon caricaturale avec des armes miniatures, symbole du militarisme et de l'impérialisme.

La couleur rouge
C'est la couleur la plus chargée d'émotion, et celle que l'oeil humain distingue avec le plus d'acuité. Elle rappelle l'amour autant que la colère, et évoque la passion et le sang. La tradition communiste, qui n'a pas lésiné sur l'utilisation de la couleur rouge dans ses images de propagande, en a fait la couleur propagandiste par excellence, presque traditionnelle. Les mouvements de protestation (comme le carré rouge au Québec) l'utilisent encore efficacement.
Le rouge dans la propagande l'armée rouge

Les contrastes forts de couleurs unies de la sérigraphie 
La technique originale de production d'affiche a longtemps été la sérigraphie. Cette technique impose des aplats de couleurs unies. Le rouge, le blanc et le noir sont depuis toujours les trois couleurs les plus utilisées dans les affiches sérigraphiées de propagande car elle produisent des contrastes tranchants. Cette technique artisanale "pauvre" a aujourd'hui gagné ses lettres de noblesse en raison de son fini particulier et -surtout- de son histoire liée à l'affiche de propagande.  De nombreux artistes réinvestissent aujourd'hui ce langage (de même que les symboles de la propagande, comme en témoigne les oeuvres de Shepard Fairey.

Sérigraphie originale de la propagande communiste chinoise
Cette image de Shepard Fairey reprend les
codes symboliques et plastiques de l'affiche
sérigraphiée de propagande.
En terminant, ai-je besoin de souligner les liens très proches qu'entretiennent la publicité et la propagande? Ils remplissent la même fonction: convaincre un public cible. Et souvent, on rencontre en publicité les même codes classiques des affiches de propagande communiste, comme dans cette publicité de Coca-Cola, figure de proue du monde capitaliste.


Si le sujet vous intéresse, voir l'article "l'art et la propagande"



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