Le Cloaca No. 5 de Wim Delvoye est une machine qui imite le système digestif humain, de la mastication à l’expulsion des déchets. L'oeuvre est considérée tantôt comme une œuvre phare de l’art contemporain, tantôt comme une attaque au bon goût et une insulte à l’intelligence. La série Cloaca de Wim Delvoye est constituée de huit prototypes qui, une fois installées et alimentées, produisent... de la crotte. Et ce caca coûte cher: sans le soutien financier du Conseil des Arts du Canada et du ministère du Patrimoine canadien, l’exposition à la Galerie de l’UQÀM n’aurait pas été possible. Les coûts associés à l’exposition : $30,000.
Une image de Cloaca no. 5, oeuvre de Wim Delvoye présentée à la galerie de l'UQAM, 2009
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La machine reproduit minutieusement chaque étape du processus digestif : enzymes, bactéries et autres composantes chimiques y participent. Delvoye, un des artistes contemporains les mieux cotés, vend d'ailleurs les étrons expulsés par son invention comme autant de produits dérivés aux collectionneurs.
Ce n'est pas le premier artiste à travailler et à mettre en marché ce... médium. Dans les années soixante, Piero Manzoni avait lui-aussi produit et emboîté de la "merda d'artista". On raconte que Manzoni avait parié qu'un jour ses déjections vaudraient plus, au poids, que le prix de l'or. Aujourd'hui, une boîte originale se vend effectivement à prix d'or. La question fort pertinente que tout le monde est portée à se poser face à ce genre de réalisation artistique (et de phénomène culturel) est évidemment: pourquoi?
Pour Manzoni, il s'agissait à l'époque de s'opposer de façon marquante à la production de masse et le consumérisme qui changèrent la société italienne après la Seconde Guerre mondiale. C'était aussi, pour ce contemporain du Pop Art, une façon actuelle de ridiculiser le marché de l'Art.
D'une façon semblable, la démarche artistique de Wim Delvoye s’inspire de la logique marchande de notre système de consommation, fondement de notre économie; l’entreprise commerciale et artistique de Wim Delvoye parodie les Branding du capitalisme qui nous sont si accoutumés par différents logos qui imitent ceux de Channel No. 5, Monsieur Net, Disney World, Coca-Cola, etc.
L'oeuvre choque plusieurs personnes, et ce pour des raisons différentes. Certains y voit un affront, d'autres un gaspillage inutile de fonds publics, d'autres encore un simple gaspillage de nourriture! Et pendant ce temps, l'oeuvre fait son travail, et nous fait réfléchir au rôle de l’art, à la vie, à la démarcation entre la consommation et l’art, à l’utilitaire et au sacré…
Le tollé de protestation généré par l'oeuvre semble répondre négativement à la question est-ce de l'art? Mais pour aller plus loin, les opposants à Cloaca No. 5 doivent se poser la question suivante: quelle est la définition d'une oeuvre d'art?
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